Ci-dessous, la reproduction d'une partie d'une lettre écrite un mois après les faits.
La
Madelaine 11 octobre 1943
Ma
chère petite amie
J’ai reçu ta lettre samedi matin
me donnant un peu de tes nouvelles. Cela m’a fait bien plaisir. Je te savais
en vie, mais où étais-tu après le bombardement de 10 heures ? Nous, nous
étions à Boulogne. Après, nous sommes partis à La Capelle où nous avons
couché sur la paille pendant deux jours. Ensuite, nous sommes arrivés ici avec
ma tante Elisabeth et toute sa famille. Nous avons trouvé une maison assez
grande mais tu sais, cela n’est pas très agréable de vivre tout le monde
ensemble : il faut se faire au caractère de tous et cela est dur.
Nous avons réussi à sauver une
grande partie de notre linge et mobilier. Ici, c’est bien triste et ma mère
s’ennuie énormément, il y a 130 habitants, nous ne voyons donc pas de
passants, nous qui avions l’habitude d’être toujours dehors ! Vivement
que la guerre finisse que nous retournions bien vite habiter Boulogne !
Auguste vient me voir tous les jours : je t’assure que je suis heureuse
de ce côté. Cette semaine, il a reçu sa feuille pour partir en Allemagne,
fais une petite prière pour lui afin qu’il ne s’en aille pas. Ses parents
sont partis dans les mines du côté de Béthune.
Je savais qu’Isabelle était blessée
et sa soeur tuée. Je t’assure que je pense bien souvent à elles. Louise
Baheux, la chanteuse, a eu un pied de coupé et Joseph Battez est blessé.
J’ai eu des nouvelles de
Marie-Rose : Jean est à Epernay aussi elle s’ennuie beaucoup car elle
n’est pas là de le revoir. Elle a su que Louise Libert-Couvelard était
sauve. J’ai eu des nouvelles d’Adrienne : elle est à Alembon avec son
fiancé. Elle a été trois heures ensevelie, elle a encore l’épaule gauche
paralysée par les pierres qu’elle a reçues. Le Docteur dit que cela se
remettra à la longue. Elle n’a presque rien sauvé, sa grand-mère est tuée.
Mais, nous aussi, malheureusement,
nous avons des deuils dans notre famille ; elle a été bien éprouvée.
Nous avons à déplorer la mort de ma grand-mère : elle a été retrouvée
huit jours après, elle était encore assise dans son fauteuil. Ma tante Louise
aussi avec son mari et la pauvre petite Elisabeth, c’est elle que je regrette
le plus, pauvre enfant ! ma tante Marguerite avec son fils Pierrot ,
le dernier, elle était chez ma grand-mère. Il y a aussi mon oncle Baptiste le
frère de ma mère avec son mari, ses deux fils et Odette Vasseur : elle a
accouché pendant le bombardement, on a retrouvé le bébé dans les bras de son
mari, d’eux on a retrouvé que deux cercueils de débris. La mère d’Henri
Gin a été tuée elle aussi avec ses deux enfants. Cela fait 16 personnes pour
nous. Mes parents ont bien du mal à se consoler et l’évacuation ne serait
rien si tout le monde était encore là. Notre peine est bien grande, jamais
nous ne pourrons oublier nos chers disparus. Nous avons su qu’ils avaient été
enterrés dans le caveau de famille, le mari de ma tante Marguerite les a
accompagnés avec son fils jusqu’à leur dernière demeure. Cela est encore
une consolation pour nous car nous pourrons au moins en allant au cimetière
prier sur leur tombe. Tu vois, ma pauvre Renée, quel désastre pour notre
famille ! Je hais les Anglais bien plus que les Allemands car ils n’ont
fait que des massacres et des ruines.
Cette dernière phrase nous montre bien le désarroi dans lequel se sont trouvés les habitants victimes de ces bombardements:leur souffrance est telle qu'ils en sont arrivés à oublier que le régime nazi est à l'origine de la guerre avec toutes ses horreurs.
Pour voir l'original de la lettre, cliquez sur chacun des cadres situés à droite et à gauche de ce texte.
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Je vous propose maintenant deux articles de journaux extraits de "La Voix du Nord" qui tentent d'expliquer le pourquoi de ces bombardements.
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